Dernier jour 17h27

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Agence France Presse, Almogar, aujourd'hui, 17h27 : (FLASH) Scènes de guerre à Santa-Maria d'Almogar. Notre correspondant sur place rapporte qu'un raid aérien très intense est en cours sur la petite cité balnéaire voisine de l'astroport. Nous n'avons pas d'information sur les cibles visées, mais nous avons confirmation de plusieurs sources fiables que des chasseurs bombardiers supersoniques ont tiré plusieurs missiles sur au moins deux immeubles du centre de la petite ville, à proximité du port.

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Alors que Michael, Ada et AK gravissaient les escaliers de l'immeuble abandonné, leur ascension fut marquée par une détonation lointaine, mais très forte, dont ils sentirent la propagation de l'onde de choc dans la structure de l'immeuble, suivie quelques minutes plus tard d'une autre explosion très puissante. Des grondements impressionnants résonnaient dehors. Au sommet de la cage d'escalier, un vasistas fermé par un cadenas rouillé leur bloquait l'accès au toit. De l'autre côté de la porte pare-feu du dernier étage, ils trouvèrent l'ascenseur condamné et une trappe qui montait à la machinerie, ouverte, mais dépourvue d'échelle. Tandis qu'AK montait la garde dans la cage, Michael et Ada tirèrent un vieux bureau sous la trappe. Ada fit la courte échelle à Michael, qui fit un rétablissement pour passer dans le local de la machinerie. Il lui fallut une bonne douzaine de coups de pied pour ouvrir la porte qui donnait sur le toit. Il sortit sous la pluie et le ciel très gris et très bas, parcouru de rugissements phénoménaux. La terrasse était vide à l'exclusion de quelques échangeurs de chaleur rouillés. Il revint à la trappe et il hissa Ada.

— AK ! cria-t-il.

Le policier apparut et, montant sur le bureau, il lui tendit son fusil que Michael passa à Ada avant de se pencher à nouveau pour aider le policier à monter. On distinguait nettement le vrombissement d'un hélicoptère derrière le tapage de tonnerre qui parcourait le ciel de part en part, comme si un dieu courroucé avait décidé de rouler tous les tonneaux de sa cave. Ils rejoignirent Ada sur le toit, qui courait de tout côté pour localiser l'appareil invisible. Sur sa façade sud, l'immeuble bordait un petit parc. Soudain, avec une agilité stupéfiante pour un engin de cette taille, l'énorme machine de guerre déboucha au-dessus d'un petit immeuble de l'autre côté du parc, dans une sorte de bond par-dessus le toit. Tandis que l'hélicoptère plongeait vers le sol, un éclair intense marqua le point de départ loin sur leur gauche d'une longue flamme très intense coiffée d'une petite pointe noire qui traversa le ciel en traînant une ligne de fumée. L'arme déchira le ciel juste là où l'hélicoptère était passé, et elle percuta une façade sur la droite avec une explosion terrible et une boule de feux qui embrasa l'immeuble avant que le toit s'effondre dans un grondement perceptible malgré le vacarme de l'énorme libellule qui se tenait maintenant au ras du sol juste en bas, au-dessus du parc inondé, jetant de tous côtés une pluie de débris levés du sol par la tornade de ses pales monstrueuses. Ada se mit à sauter et à faire de grands signes de bras sous la pluie battante, puis elle prit le téléphone.

— Morgan, on est sur le toit.

— Je vous ai vus. Changement de plan, redescendez.

— On ne peut pas ! Ils sont à coup sûr en train de monter nous chercher maintenant.

— Passe-moi le policier qui est avec vous.

Ada se tourna vers AK et lui donna le téléphone.

— Ici Morgan Kerr. Je ne peux pas vous prendre sur le toit. Il faut que vous redescendiez.

— Ça va être très difficile, très dangereux. Ils sont deux, ce sont des pros. Au minimum, l'un d'eux a un fusil d'assaut.

— Où sont-ils ?

— Dans l'immeuble. Ils doivent être en train de nous chercher.

— J'ai deux signatures infrarouges au rez-de-chaussée. Une chance que ce ne soit pas eux ?

— Très faible, le bâtiment m'a semblé désert, aucune trace de squatter.

— Voilà comment on va procéder : j'ai largement de quoi vous couvrir. Vous allez descendre et si vous rencontrez une résistance, vous me faites signe.

AK hésita.

— Je suis seul. C'est très risqué.

— OK. Je vais faire un tir de nettoyage. Après, ce sera à vous.

AK tira les deux amoureux par la manche en leur criant :

— Éloignez-vous du bord !

Les deux mitrailleuses et le canon de l'hélicoptère l'interrompirent. Ada poussa un hurlement de terreur très bref et très intense. Ils se recroquevillèrent tous trois près du sol, les mains sur les oreilles pour sauver leurs tympans, tandis que Morgan lâchait une longue rafale qui balaya le rez-de-chaussée. Les projectiles passaient au travers de la façade et des murs comme du carton. Sur le toit, les trois protagonistes à genoux se serrèrent les uns contre les autres. Le niveau sonore pendant le tir avait été apocalyptique. La fumée et la pluie de matériaux qui était descendue en cascade le long de la façade étaient révélatrices des dégâts. Morgan fit remonter sa machine au niveau du premier étage et elle lui fit subir le même traitement dantesque. Une partie de la façade, privée de support, s'effondra dans la cour dans une grande gerbe de poussière que la pluie et le vent résorbèrent petit à petit. Dans la main d'AK, le téléphone crachota :

— D'après mes capteurs, j'en ai touché au moins un, fit la voix de Morgan. S'ils étaient ensemble, je les ai eus tous les deux.

AK hocha la tête, vu la puissance de feu de la machine de Morgan, il se demandait s'il était possible que des hommes présents dans le bâtiment aient survécu.

— J'y vais.